Un mode de preuve illicite peut être utilisé par l’employeur… à certaines conditions !
LE PRINCIPE
Un mode de preuve illicite ne peut – en principe – pas être utilisé dans le cadre d’un contentieux pour justifier du bien-fondé d’une sanction prise à l’encontre d’un salarié.
Il en est par exemple ainsi lorsque :
- Les salariés n’ont pas été informés de l’existence et de la finalité d’un système de vidéosurveillance ;
Rappelons en effet que préalablement à la mise en œuvre d’un système de vidéosurveillance, l’employeur doit solliciter une autorisation préfectorale si le lieu surveillé est ouvert au public, informer les salariés concernés par le dispositif, informer et consulter le CSE si le lieu surveillé est fermé au public et s’assurer que le dispositif est justifié par la nature du lieu à surveiller et la nature des tâches accomplies par les salariés.
- Le badgeage est utilisé pour contrôler la durée du travail alors que la finalité déclarée est le contrôle de l’accès aux locaux.
… ET SON EXCEPTION !
Toutefois, afin de s’aligner avec la jurisprudence européenne, la Cour de cassation considère depuis un arrêt du 25 novembre 2020, qu’un mode de preuve illicite n’est plus nécessairement écarté des débats s’il est indispensable ( Cass. soc., 25 nov. 2020, nº 17-19.523 )
Ainsi, la jurisprudence a admis que la faute du salarié puisse valablement être démontrée par un moyen de preuve illicite si celui-ci est :
- indispensable à l’exercice du droit à la preuve et ;
- si l’atteinte portée à la vie personnelle du salarié est strictement proportionnée au but poursuivi.
L’utilisation de cette preuve illicite ne doit pas porter atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble ce qui implique de mettre en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve de l’employeur.
UNE METHODOLOGIE CLARIFIEE PAR LA COUR DE CASSATION
Si le principe existait déjà, la Cour de cassation a clarifié en mars 2023, la méthodologie que les juges du fond doivent suivre pour déterminer si une preuve illicite peut malgré tout être admise :
- Etape 1 – si la preuve litigieuse fait suite à un contrôle : Le juge doit dans un premier temps vérifier la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et les raisons concrètes justifiant la surveillance ;
- Etape 2 – Dans un second temps, il doit vérifier si l’employeur ne pouvait pas atteindre un même résultat par l’utilisation de moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié : autrement dit, il doit vérifier si ce mode de preuve était réellement indispensable à l’exercice du droit à la preuve. Ainsi, s’il existe un autre mode de preuve possible (licite), la preuve illicite reste irrecevable.
- Etape 3 – Enfin, il est tenu d’apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée à la vie personnelle du salarié au regard du but poursuivi.
LA PORTEE DE CES DECISIONS
Des décisions récentes ont été rendues dans plusieurs domaines :
► Vidéosurveillance: (Cass. Soc. 8 mars. 2023, n°21-17.802 )
Dans cette affaire, à la suite d’un audit social ayant révélé des dysfonctionnements d’encaissement, une société avait décidé d’installer des caméras de vidéosurveillance, lesquelles ont confirmé les soupçons de vols et d’abus de confiance qui pesaient à l’encontre d’une salariée. Licenciée pour faute grave, celle-ci a contesté son licenciement puisque le système de vidéosurveillance n’avait pas été porté à sa connaissance en amont.
Retenant qu’il existait en l’espèce un autre mode de preuve, à savoir l’audit social réalisé préalablement (mais que l’employeur n’avait pas versé aux débats), il a été jugé que la preuve litigieuse (la vidéosurveillance), n’était pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve.
Cette décision peut toutefois apparaître sévère car, ainsi que l’employeur le soutenait, l’audit en question n’avait mis en lumière que des soupçons, sans certitude de la faute commise par la salariée.
► Badgeage : (Cass. Soc., 8 mars 2023, nº21-20.798)
Dans cette affaire, pour mettre en lumière la fraude d’un salarié consistant en des déclarations erronées de son temps de travail, un employeur avait utilisé le système de badgeage dont la seule finalité déclarée auprès de la CNIL était pourtant le contrôle de l’accès aux locaux et aux parkings. Cette preuve a été jugée illicite par les juges du fond puisque la finalité déclarée n’était pas le contrôle de la durée de travail des salariés.
La Cour de cassation rappelle cependant que, avant d’écarter une telle preuve, les juges du fond doivent vérifier si la preuve litigieuse n’était pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et si l’atteinte au respect de la vie personnelle de la salariée n’était pas strictement proportionnée au but poursuivi.
► Géolocalisation :(Cass. Soc., 22 mars 2023, n°21-24.729 ; Cass. Soc., 22 mars 2023, n°21-22.852)
Dans ces affaires, l’employeur avait installé un système de géolocalisation sur le véhicule professionnel du salarié et utilisait ce système pour surveiller ce dernier et contrôler sa localisation en dehors de son temps de travail. La Cour de cassation rappelle qu’une Cour d’appel ne peut admettre ce mode de preuve sans apprécier si son utilisation portait atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie privée du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée du salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
En outre, il a été jugé que, dès lors que l’employeur ne justifiait pas avoir informé individuellement le salarié de la mise en œuvre du système de géolocalisation, de la finalité poursuivie par ce système et des données collectées, et que le recours à la géolocalisation n’était pas indispensable pour mesurer le suivi du temps de travail de son personnel, l’atteinte au droit à une vie personnelle du salarié était disproportionnée par rapport au but poursuivi, et les données collectées étaient irrecevables.
► Les bulletins de salaire :(Cass. Soc., 8 mars 2023, nº21-12.492)
Dans cette affaire, pour prouver ses accusations d’inégalité de traitement, une salariée demandait à ce que l’employeur soit condamné à communiquer des bulletins de paie d’autres salariés. Saisis d’une telle demande, les juges doivent rechercher si cette communication est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de l’inégalité de traitement alléguée et proportionnée au but poursuivi.
La Cour de cassation a ainsi considéré qu’il pouvait tout à fait être ordonné à l’employeur de communiquer à une salariée les bulletins de salaires d’autres salariés occupant des postes de niveau comparable au sien avec occultation des données personnelles à l’exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle et de la rémunération. Cette communication d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’autres salariés était en effet indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de la salariée à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.
Si la Cour de cassation a donc précisé les règles d’acceptation des preuves illicites, force est de constater que des incertitudes demeurent.
Concrètement, comment démontrer le caractère indispensable de la preuve illicite dont l’employeur souhaite se prévaloir ?
A notre sens, au regard des strictes conditions à remplir pour qu’un mode de preuve illicite soit admis en justice, l’employeur qui disposerait d’un autre mode de preuve doit en conséquence continuer à privilégier celui-ci.
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