Code de la commande publique, marchés publics et autres contrats publics en période de Covid-19, quelle est la situation ?
La situation actuelle d’urgence sanitaire a appelé à la mise en place de règles dérogatoires et temporaires en matière de commande publique, tant dans le domaine de la passation que de l’exécution des contrats publics, compte tenu des difficultés actuelles des entreprises et autres opérateurs économiques à exécuter normalement leurs prestations et leurs contrats, en période de confinement.
En droit de la commande publique, l’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de Covid-19 (ci-après l’« Ordonnance CCP »), comporte différentes mesures d’assouplissement des règles applicables à l’exécution des contrats publics.
Ces règles qui dérogent temporairement au droit commun, viennent ainsi confirmer certaines orientations résultant notamment de l’accord entre les Fédérations du Bâtiment et le Gouvernement, suite au communiqué du 21 mars dernier adoptant une position commune en faveur de la poursuite de l’activité, sous réserve de la mise en place de procédures spécifiques indispensables à la préservation de la santé des salariés.
En effet, l’application des nombreux délais applicables en matière d’urbanisme soulève en effet différentes d’interrogations. L’Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période (Ordonnance « Délais échus »), publiée au JORF du 26 mars 2020, permet d’apporter certains éléments de réponses, à tout le moins provisoirement.
Sont principalement concernés, les contrats soumis au Code de la commande publique dont principalement les marchés publics ; marchés de partenariat ainsi que concessions et DSP mais également, de manière plus générale, les contrats publics qui ne sont pas soumis à ce code, tels les contrats portant occupation du domaine public, les baux emphytéotiques, ou encore les contrats conclus par les sociétés publiques locales (SPL) et sociétés d’économies mixtes (SEM).
La notion de « contrats publics » mentionnée dans la loi d’habilitation ne se limite donc pas aux contrats administratifs. Sur son champs d’application matériel, la Direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers (DAJ) précise, dans sa fiche technique publiée le 6 avril dernier, qu’elle ne se limite pas aux contrats administratifs mais englobe « l’ensemble des contrats qui s’inscrivent dans la sphère publique, c’est-à-dire les contrats des personnes morales de droit public ainsi que ceux qui sont conclus par les personnes morales de droit privé qui répondent à la définition du pouvoir adjudicateur ou de l’entité adjudicatrice ».
Présentée la veille en conseil des ministres, l’Ordonnance CCP a ensuite été publiée au Journal officiel de la République française du 26 mars. Sur son champ d’application, elle a un caractère rétroactif ; conformément à la loi d’habilitation, l’Ordonnance CCP vise tous les contrats publics « en cours » ou « conclus » entre le 12 mars 2020 et la fin de la durée de l’état d’urgence sanitaire, augmenté de deux mois, suivant son article 1er.
Cette Ordonnance CCP a été prise sur le fondement du f du 1° du I de l’article 11 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ; elle répond, suivant le rapport au président de la République correspondant et publié le même jour (NOR: ECOM2008122P), à un double objectif de protection des opérateurs économiques contre les conséquences de l’épidémie de Covid-19, tout en assurant la continuité des contrats en cours.
A titre liminaire, précisons qu’il est indiqué à l’alinéa 2 de l’article 1er de l’Ordonnance CCP que ses dispositions « ne sont mises en œuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l’exécution de ces contrats, de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation », le rapport au Président de la République précisant que « l’application de ces dispositions requiert une analyse au cas par cas de la situation dans laquelle se trouvent les cocontractants qui devront justifier la nécessité d’y recourir ».
Cette Ordonnance CCP n’est en tout état de cause que supplétive, n’ayant vocation à s’appliquer en principe qu’en cas de dispositions, y compris contractuelles, moins favorables.
En raison de la crise sanitaire actuelle, les entreprises peuvent rencontrer des difficultés à formaliser leur candidature et leur offre dans les délais fixés en temps normal. Nombre d’entreprises n’étant donc plus en capacité de répondre normalement aux appel d’offres, l’article 2 de l’Ordonnance CCP prévoit un allongement des délais de réception des candidatures et des offres, « d’une durée suffisante, fixée par l’autorité contractante, pour permettre aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou de soumissionner », mais sans toutefois fixer de délai impératif. Précisons à ce titre, que la durée de la prolongation doit être appréciée par l’acheteur.
Par ailleurs, lorsque les modalités de mise en concurrence dans les documents de consultation des entreprises ne peuvent être respectées par l’autorité contractante, celle-ci pourra les aménager en cours de procédure, mais toujours dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats.
En outre, s’agissant de la prolongation de l’examen des offres remises, des prolongations des négociations et du retard la décision d’attribution des contrats, l’autorité contractante peut solliciter de l’ensemble des soumissionnaires une prorogation du délai de validité des offres, sous réserve d’obtenir l’accord des entreprises qui ont déposé une offre, sur cette prorogation et sur sa durée.
Enfin, rappelons qu’en matière de passation de contrats publics, en cas d’urgence, il peut tout d’abord être fait application de l’article R.2161-8 (3°) du code de la commande publique pour réduire les délais de publicité.
A ce titre, en cas d’urgence impérieuse, l’article R. 2122-1 CCP permet de se dispenser de la publicité et de la mise en concurrence préalable. Ainsi, les règles de passation peuvent être écartées au nom l’« urgence impérieuse », celle-ci devant être circonscrite à des circonstances « extérieures, imprévisibles et irrésistibles » (article R2322-4 du code de la commande publique), mais « le cas échéant, de tels achats ne doivent être effectués que pour les montants et la durée strictement nécessaires à la satisfaction des besoins urgents. Ils pourront être renouvelés si la situation de blocage devait se prolonger. »
A noter que la communication « Orientations de la Commission européenne sur l’utilisation des marchés publics dans la situation d’urgence liée à la crise du Covid-19 », parue ce 1er avril au JO de l’Union (2020/C 108 I/01) précise aussi « […] quelles options et marges de manœuvre permet le cadre de l’Union européenne régissant les marchés publics en vue de l’achat des fournitures, des services et des travaux nécessaires pour faire face à la crise. »
Différentes mesures ont été envisagées afin de faire obstacle notamment aux clauses contractuelles relatives aux sanctions pouvant être infligées par le pouvoir adjudicateur au titulaire cocontractant.
Ainsi, l’Ordonnance CCP prévoit tout d’abord en son article 6, 1° que les délais d’exécution sont prolongés d’une durée au moins équivalente à celle de la crise sanitaire.
Et pour pallier à ce type de défaillance, l’acheteur peut ainsi faire procéder par un tiers à l’exécution des prestations qui ne peuvent souffrir d’aucun retard par un « marché de substitution » avec un tiers pour satisfaire ceux de ses besoins qui ne peuvent souffrir aucun retard alors même que le contrat initial contiendrait une clause d’exclusivité (art. 6, 2° b).
En matière de DSP, l’Ordonnance CCP vient aussi adapter le régime juridique applicable aux contrats de concession.
Ainsi, lorsque le concessionnaire est dans l’impossibilité d’exécuter tout ou partie du contrat, il est prévu à l’article 6, 2°, a qu’il ne puisse pas être sanctionné, ni se voir appliquer les pénalités contractuelles, ni voir sa responsabilité contractuelle engagée pour ce motif.
Dans un tel cas de figure, le versement des sommes dues par le concessionnaire à l’autorité concédante – redevances, loyers, etc. – pourra être suspendu suivant l’article 6, 5° de l’Ordonnance CCP.
En dernier lieu, on notera que le concessionnaire a droit, d’après l’article 6, 6°, au versement d’une indemnité destinée à compenser le surcoût qui résulte de l’exécution, même partielle, du service ou des travaux.
Adaptant de fait la théorie de l’« imprévision », le concessionnaire doit ainsi établir que la poursuite de l’exécution impose la mise en œuvre de moyens supplémentaires non prévus au contrat initial, et représentant une charge manifestement excessive au regard de sa situation financière, pour être en droit de bénéficier de cette indemnité compensant son surcoût.
On notera que la DAJ recommande aux acheteurs publics de ne pas « hésiter à reconnaître que les difficultés rencontrées par leurs cocontractants sont imputables à un cas de force majeure ».
La fiche explicative de la DAJ de l’Ordonnance CCP du 6 avril 2020 précise en revanche que « L’ordonnance ne pose pas de présomption de force majeure, laquelle ne peut être qualifiée qu’au cas par cas. Il appartient aux autorités contractantes et aux opérateurs économiques de démontrer que les difficultés qu’ils rencontrent du fait de l’épidémie ne permettent pas de poursuivre les procédures ou l’exécution des contrats dans des conditions normales ».
Pour l’exécution des marchés, elle incite donc les acheteurs à appliquer le régime de la force majeure, en rappelant ses conditions d’application, sous réserve des clauses contractuelles l’ayant aménagé, le cas échéant :
– événement imprévisible;
– événement extérieur aux parties;
– impossibilité absolue pour le prestataire ou l’acheteur public de poursuivre, momentanément ou définitivement, l’exécution de tout ou partie du marché public (délais, quantités, respect de certaines spécifications des prestations à réaliser…), étant précisé que cette dernière condition devra être vérifiée au cas par cas.
Autre objectif s’agissant des contrats dont la durée d’exécution arrive à échéance pendant cette période, éviter les ruptures d’approvisionnement pour les acheteurs publics.
Lorsque l’organisation d’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre, l’article 3 de l’Ordonnance CCP permet tout d’abord la prolongation des contrats publics arrivés à terme.
L’article 4 de l’Ordonnance CCP autorise ensuite les personnes publiques à prolonger par voie d’avenant les contrats en cours d’exécution qui arriveraient à terme pendant cette période de crise sanitaire.
Les marchés publics et contrats de concessions arrivant à terme pendant la période allant du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire – fixée, à ce jour, au 24 mai 2020 –, augmentée d’une durée de deux mois, peuvent être prolongés, d’après l’article 4 de l’Ordonnance CCP, par avenant au-delà de la durée prévue, lorsque l’organisation d’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre.
A noter que s’agissant de la durée des contrats de concession dans le domaine de l’eau potable, des ordures ménagères et autres déchets en principe limitée à 20 ans, celle-ci pourra faire l’objet de prolongation dans ce cas, et par dérogation aux dispositions de l’article L. 3114-8 du Code de la commande publique, au-delà de cette durée de vingt ans, avec dispense de l’examen préalable par l’autorité compétente de l’Etat.
En tout état de cause, pour ces contrats publics, la durée de cette prolongation n’est pas illimitée, l’Ordonnance CCP fixant une date buttoir ; la prolongation du terme du contrat ne pourra excéder celle de la période de la crise sanitaire – c’est-à-dire de la période allant du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, augmentée d’une durée de deux mois –, augmentée de la durée nécessaire à la remise en concurrence à l’issue de son expiration.
Enfin, on notera un assouplissement des règles d’exécution financières des contrats de la commande publique, permettant notamment aux acheteurs de verser des avances d’un montant supérieur au taux maximal de 60 % en principe prévu par le code de la commande publique (art. 5, alinéa 1).
En outre, les acheteurs ne sont pas tenus d’exiger la constitution d’une garantie à première demande pour les avances supérieures à 30 % du montant du marché (art. 5, alinéa 2).
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